Cette ville… Prihaya n’en connaissait rien. Ni sa réelle valeur, ni même son histoire. Tout ce qu’elle en savait, c’était sa distinction par cette immense tour dont on lui avait parlé. Une tour qu’elle pouvait désormais voir de ses propres yeux, là, juste devant elle. On ne lui avait pas menti sur l’imposante bâtisse dont elle allait pourtant se détourner. Ce n’était pas pour celle-ci que la jeune femme avait mis les pieds dans la ville, mais pour ce qu’on lui en avait dit. Véritable centre névralgique d’une alliance à laquelle la voyageuse n’appartenait pas. C’était ce détail qui l’avait intéressé, alors qu’elle avait devancé les prémices d’une tempête il y a quelques jours de cela. Pour celle en quête de découverte, il n’y avait rien eu de mieux qu’un lieu empli de monde venant de tout horizon. Se faire passer pour quelqu’un d’autre serait alors des plus faciles, alors que sa komfoni l’avait mise en garde. Prihaya n’était pas des leurs et pour cela, elle se devait de faire preuve de méfiance. Mais la métisse restait confiante. Elle avait consulté les flammes la nuit passée et elle s’y était sentie en sécurité. Nul ne savait qui elle était ici, alors que la route avait été longue depuis Safeold. Ainsi, elle pouvait se permettre de rester à visage découvert, sans nulle crainte des regards présents par le monde.
Ainsi elle déambulait, sans réellement s’arrêter où que ce soit. La Faya’Shila ne faisait qu’observer, découvrir, comme le ferait un enfant face à sa première expérience. Si elle marchait d’un pas sûr, elle ne savait guère où elle se rendait. Prihaya se laissait simplement guider par cette foule se densifiant, alors que des étalages paraissaient un peu partout. Des personnes vantaient le mérite de leur marchandise et, sans avoir jamais réellement assisté à un marché, la jeune femme compris que ce lieu était propice à l’échange. Il lui était déjà arrivé de commercer, mais elle devait reconnaître que ce n’était pas dans ce domaine qu’elle était le plus doué. D’autre en revanche, c’était un véritable don chez eux de supputer la valeur de leur marchandise et, enfant, cela l’amusait de les voir faire croire à cette surévaluation. Alors qu’elle, encore aujourd’hui, pouvait parfois se faire avoir.
Cependant, bien que certains stands offraient des choses alléchantes, telle que de la nourriture odorante, Prihaya ne s’était pas arrêté à un seul d’entre eux. Depuis quelques mètres, elle avait cette désagréable sensation d’un regard appuyé dans son dos. Une impression qu’elle put confirmer de son propre regard, jeté brièvement en arrière. La foule était dense, mais elle vit cette personne chercher à avancer en la suivant. Ne pouvant cependant se fier à une simple sensation, la métisse avait cherché à la confirmer. Bifurquant soudainement dans un sens, elle put s’engouffrer dans une ruelle où, sans qu’elle ne soit pour autant déserte, la densité des voyageurs se faisaient plus fluide.
Un nom avait été cité. Avant qu’elle ne puisse se retourner, Prihaya l’avait entendu et avait compris qu’il venait de cet homme dont elle avait surpris le regard. Sans pour autant se retourner de suite et se stopper, elle avait eu ce froncement de sourcil. Qui était Natshana ? Car nulle possibilité que cet homme puisse la connaître, elle-même ne le reconnaissant pas. Or, en dehors de sa tribu, la route Faya’Shila n’avait croisé que celle de vagabonds ou de rares personnes dont elle avait gravé le visage dans sa mémoire. Alors qui était-il ?
À la seconde injonction, elle se stoppa. Non pas pour répondre à l’ordre donné, mais plus pour satisfaire sa propre curiosité et ôter le moindre doute. Ainsi, Prihaya fit face à l’inconnu quémandant son identité.
— Et toi, qui es-tu donc pour me le demander ?
Sa propre question ne s’était pas fait attendre. D’une voix calme et posée, la métisse le détaillait du regard, confirmant son manque de connaissance quant à son identité. Elle n’avait que faire des badauds témoins de cette scène, tout comme elle ignora le geste fait vers l’arme accompagnant l’homme. Bien que celui-ci lui donna à minima comme information qu’il devait savoir se battre. Elle-même possédait ses deux lames, habilement dissimulées sous son habit de voyage. Mais tant que lui n’avait pas dégainé, elle ne comptait pas le faire. Prihaya refusait d’être celle qui attirerait l’attention, préférant garder la possibilité de la fuite tant qu’elle n’en savait pas plus sur ce lieu.
Refusant ainsi pour l’heure de révéler son identité, lui laissant par la même occasion le temps d’analyser la situation, la jeune femme préféra se focaliser sur sa première interrogation, ainsi que sur ce nom prononcé.
— Pourquoi m’avoir suivi sans me connaître ? Est-ce que je semble être une menace à tes yeux ?
Comme pour montrer que cette pensée serait une bien belle erreur, la métisse avait écarté les bras, ne montrant ainsi aucune arme dans ses mains. Peut-être jouait-elle un peu avec cette attitude, mais elle refusait de livrer la moindre information sans en savoir plus de son côté. Cela pouvait s’avérer être un véritable cercle vicieux, mais c’était lui qui l’avait suivi et non l’inverse.
— Qui est donc cette Natshana ?
La question fatidique était tombée. Sans même savoir ce qu’elle pouvait coûter à être posée, Prihaya ne s’était pas gênée de le faire. Pas un instant, elle ne quittait des yeux cet homme semblable à un guerrier, ignorant par la même le monde autour. Un léger sourire était apparu chez elle, alors que dans un sens, elle appréciait de rencontrer ce léger remous dans sa visite de la ville. Tel était le piquant de son voyage.
